C’est un bras de fer qui s’est engagé entre la région autonome sarde et le gouvernement italien pour permettre la mise en place du passeport sanitaire pour les visiteurs à partir du 3 juin. Une solution envisagée par de nombreuses îles méditerranéennes
C’est devenu le cheval de bataille de nombreuses îles de Méditerranée : demander aux futurs visiteurs un passeport sanitaire de négativité au Covid-19 avant leur arrivée. Un laissez-passer pour les vacances qui est au cœur des débats. La région Corse n’est pas la seule à vouloir défendre cette idée de « green pass » selon les propres termes du président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni qui veut proposer par ce biais une offre touristique « crédible, attractive et sécurisée » et ériger la Corse en « destination confiance ».
Au-delà de garantir, selon elles, aux touristes des vacances sans risques et de défendre l’industrie touristique, les destinations insulaires telles que la Sardaigne, la Sicile, Malte ou encore les îles grecques, plutôt épargnées par le coronavirus et moins bien dotées en infrastructures hospitalières, veulent également protéger la population locale d’un nouveau risque épidémique.
Un gouvernement italien réticent
Chez nos plus proches voisins, en Sardaigne, la question est au cœur de l’actualité, d’autant que l’Italie a annoncé vouloir rouvrir ses frontières aux touristes le 3 juin prochain. Le président de la région autonome de Sardaigne, Christian Solinas, a fait de ce certificat sanitaire obligatoire son cheval de bataille depuis déjà plusieurs semaines. « On veut que les visiteurs arrivent sains et repartent sains », a-t-il martelé dans une allocution diffusée sur sa page Facebook. Le président de la région sarde s’est engagé dans une course contre la montre pour imposer des tests garantissant la négativité au Covid-19 avant d’entrer sur son territoire. Il a entamé un véritable bras de fer avec le gouvernement central qui n’a pas encore tranché mais affiche clairement ses réticences. Le vice-ministre de la Santé, Pierpaolo Sileri, estime que cette idée est « ambitieuse mais pas pratique ». Dans une récente intervention radiophonique, il a déclaré que « l’uniformité est nécessaire sur tout le territoire », un objectif qu’il estime pour le moment « très difficile » à atteindre et préfère s’en remettre au respect des gestes barrières.
Fiabilité des tests
Christian Solinas souhaite quant à lui que le gouvernement autorise rapidement les tests salivaires, plus rapide et moins coûteux, « qui pourront être réalisés trois jours avant le départ ». Mais ceux-ci ne sont pas encore disponibles en Italie et surtout, « ils n’ont pas encore été validés », comme l’a rappelé le directeur scientifique de l’institut national des maladies infectieuses de Rome, Giuseppe Ippolito, interrogé par la Rai3. Même si cette phase de validation est en cours de finalisation, il est peu probable que ces tests, dont la fiabilité est équivalente au test PCR traditionnel (par prélèvement nasal notamment), soit aux alentours de 70 %, soient massivement diffusés à partir du 3 juin. C’est aussi cette question de fiabilité des tests attestant de l’immunité au virus qui pose question en Corse comme en Sardaigne. Le principe d’une immunité systématique après infection n’a pas été prouvé à 100 % et on ne connaît pas sa durée. Une étude qui vient d’être publiée par l’université d’Amsterdam indique que l’immunité contre les coronavirus humains ne pourrait durer que six mois. Les tests sérologiques ne permettant pour l’heure pas de connaître le moment précis de l’infection, cette étude pourrait donc remettre en doute le passeport d’immunité.
Les plans B de Solinas
Mais la région Sardaigne, a déjà envisagé des plans B en cas de refus du gouvernement central d’approuver le passeport sanitaire, avec la mise en place dans les ports et aéroports d’une application pour l’enregistrement des visiteurs avec un questionnaire épidémiologique, d’une auto-certification ainsi que de contrôles de températures à l’arrivée. La possibilité de confiner les touristes dans leur lieu de résidence estivale en attendant les résultats de leurs tests a également été avancée. Des scénarios alternatifs pour lesquels la Sardaigne ne devrait pas avoir besoin de l’aval du gouvernement italien. « Je vais affiner le cahier des charges vendredi prochain, jusque-là nous travaillerons avec ténacité pour affirmer le modèle principal que nous proposons », a confié hier Christian Solinas au quotidien économique et financier « Investireoggi ». Le président de la région sarde, soutenu dans sa démarche par le président de la Sicile, Nello Musumeci, également intéressé par la mise en place de ce dispositif sanitaire (voir par ailleurs), espère bien faire entendre sa voix auprès de la conférence des régions avant la prochaine étape, cruciale, qui se jouera à la conférence Etat-Régions ce 29 mai.
NADIA AMAR