Franck Robine : « Il ne faut pas que le préfet se mêle de politique » PIERRE-ANTOINE FOURNIL |
Lors de la cérémonie à la mémoire de Claude Erignac, le 6 février dernier, vous avez tendu la main au président de l’Exécutif, plaidant l’apaisement, au cours d’un discours ponctué d’un inédit « Vive la Corse. Vive la République. Vive la France ». Il n’empêche, cet esprit de dialogue cohabite avec une fermeté que vous n’hésitez pas à faire valoir. Vous qui aimez tant ce mot, avez-vous l’impression d’avoir placé le curseur à un point de « cohérence » aujourd’hui en Corse ?
Si l’on veut que l’État soit écouté, respecté, il faut toujours rechercher l’équilibre. Celui-ci doit se situer entre, d’une part, une position de fermeté sur les principes républicains dès lors que ces derniers ne sont pas discutables et, d’autre part, une bonne compréhension des attentes des Corses dans leur diversité. Si je devais employer un autre mot que cohérence pour en parler, j’utiliserais celui de « pédagogie ». Il faut faire œuvre de pédagogie, il faut expliquer, cela me semble fondamental. Cette recherche de l’équilibre, c’est Bertrand Landrieu, récemment disparu, qui fut mon préfet de stage – il avait occupé les fonctions de directeur de cabinet, notamment de Jacques Chirac à l’époque, et de préfet d’Ile-de-France – qui, le premier, m’avait convaincu de son bien-fondé.
Vous étiez auparavant en poste dans un autre territoire insulaire, la Martinique. Malgré le peu recul qui est le vôtre au terme de vos quatre premiers mois, et dans le contexte que l’on connaît, ce qui, selon vous, constitue l’ADN de la Corse ?
L’ADN de la Corse réside incontestablement dans l’expression de son très fort sentiment familial et d’appartenance. Et cet attachement me parle forcément, moi qui ai des racines rurales, entre autres. Je comprends tout à fait ce que ce sentiment représente sur le territoire insulaire et combien il est important. Ici, les racines sont particulièrement prégnantes et l’on découvre très vite qu’un Corse, avant qu’il se dise corse, s’identifie d’abord à son village. Et donc, oui, non seulement cela me parle, mais, au-delà, cette appartenance, je la respecte énormément.
« Il faut toujours rechercher l’équilibre »
Vous n’avez que très peu pu tâter du terrain corse, confinement oblige, un handicap dans votre approche d’une île dont vous avez encore beaucoup à apprendre ?
Il faut que je mange du terrain, effectivement, puisque le confinement m’en a empêché durant deux mois. C’est ce que je fais, pour rattraper le temps perdu. Je veux aller sur le terrain et je répondrai à toutes les invitations que l’on m’adressera.
Un mot sur le comportement des Corses alors que s’engage la phase 2 du déconfinement. Toujours aussi exemplaires, les insulaires ?
Toujours. À chacune des étapes, à chacun des paliers, j’ai constaté que les Corses étaient extrêmement respectueux des règles et des consignes données. À ce stade, celui de la phase 2, ils continuent à l’être, avec la même assiduité, et il faut les en remercier.
Votre relation avec la majorité territoriale nationaliste et l’opposition ?
Il ne faut pas que le préfet se mêle de politique. J’ai une relation institutionnelle avec le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, ce qui n’exclut pas d’avoir des liens de nature cordiale et c’est tant mieux. Sinon, je suis aussi sollicité par des maires dont certains ont des responsabilités dans l’opposition, mais c’est le maire qui m’invite, le préfet, lui, je le répète, ne fait pas de politique. C’est très important. Je suis allé très récemment à Vico, je dois rencontrer, cette semaine, le maire de la commune de Peri. J’ai beaucoup fait, en outre, vous l’avez vu, de sorties économiques dans des secteurs aussi divers que le BTP ou l’agroalimentaire. C’est d’autant plus essentiel que le monde économique souffre et qu’il doit être entendu.
ANNE-C. CHABANON