La Méditerranée est la première destination touristique mondiale. Elle est aussi, pour le GIEC, le groupe intergouvernemental d’experts pour le climat, une des zones les plus fragiles face aux dérèglements climatiques : un hotspot. L’été 2022 l’a démontré avec force, mais il a aussi été, après deux ans de Covid, un retour à une activité touristique normale.
Pour éclairer sur la situation, Florence Antomarchi a pour invités : Patrick Rebillout, ingénieur météorologue et directeur de la station Météo France à Ajaccio et Alain Venturi, président de la fédération corse d’hôtellerie de plein air.
“Des températures maximales supérieures de 3 °C”
Cet été, des phénomènes extrêmes ont touché les pays méditerranéens : incendies, sécheresses, orages meurtriers. Des phénomènes en partie dus au dérèglement climatique et qui s’intensifieront si rien n’est fait. “On va avoir de plus en plus de températures maxi, bien au-delà de celles auxquelles on est habituées. Par exemple, pour 1,5 °C de réchauffement planétaire, qui est la limite qu’on ne devrait pas dépasser, on aura en Corse des températures maximales supérieures de 3 °C à celles qu’on observe actuellement”, explique Patrick Rebillout.
En parallèle, la fréquentation touristique a retrouvé les chiffres d’avant la crise sanitaire. Une bonne nouvelle pour l’économie, mais un peu moins pour la planète. Pour rappel, si le tourisme représente 7,4 % du produit intérieur brut (PIB) en France, c’est aussi 11 % des émissions des gaz à effet de serre qui sont à l’origine du réchauffement climatique. “J’encourage à la fois les Français et les étrangers de proximité qui sont le cœur de notre clientèle à continuer à venir, à favoriser les destinations de proximité, et éviter d’aller à l’autre bout de la planète avec des jets fortement consommateur de kérosène”, souligne Alain Venturi.
Le symbole malheureux de Venise
En Méditerranée, certaines villes payent déjà cher les conséquences du tourisme couplées aux conséquences du dérèglement climatique. Venise en est même devenue le symbole malheureux.
Depuis quelques années, ces deux facteurs entraînent le départ de la population locale. Si les répercussions du tourisme sur le prix des loyers ou sur les difficultés d’accès aux biens immobiliers, il se joue sur la classe populaire de la cité des doges le phénomène de gentrification climatique.
Ce concept a été théorisé par le professeur Jesse Keenan, enseignant à l’université d’Harvard. Selon ses analyses, les classes les plus pauvres de Venise ont tendance à quitter plus rapidement la ville afin d’éviter les frais supplémentaires liés aux inondations et à la montée des eaux. Ces frais, concernent notamment l’augmentation du coût des assurances, de la taxe foncière ou de l’entretien des bâtiments. Ainsi, seules les classes aisées peuvent supporter ces augmentations, et sont donc les seules à rester vivre à Venise.
Signe de la lente agonie vénitienne, en 1950, la ville comptait 175.000 habitants, un chiffre qui pourrait passer sous la barre symbolique des 50.000 cette année. Venise ne serait alors plus considérée administrativement comme une ville.
