Parfois, le succès public d’un film convainc la production de lui donner une suite. Il en est de même pour les festivals. Ce week-end, le succès du Portivechju film festival s’est mesuré à la qualité des films qui ont été projetés en avant-première, à des salles très bien remplies et à un réseau prometteur. Devant l’évidence, le coprésident du PFF, Michel Ferracci, a confirmé que oui, il y aura une suite, et dès l’an prochain.
Le tapis rouge était pris par Cannes, alors tant pis, c’est un tapis orange que l’association porto-vecchiaise Cinema Paradisu, coorganisatrice de l’événement, a déroulé sur le parvis à ses invités et aux festivaliers, qui devaient l’emprunter pour se rendre aux projections, de la piazza ‘llu quartieri à l’entrée du spaziu culturale Jean-Paul-de-Rocca-Serra. Quand on ose organiser un festival de cinéma dans une ville de 10 000 habitants, on peut se permettre certains partis-pris esthétiques et identitaires et celui-ci a beaucoup charmé, surtout quand la cité s’éclaire, la nuit tombée.
Le PFF a frappé fort d’entrée avec la projection vendredi soir du Mohican, le thriller corse de l’Ajaccien Frédéric Farrucci, que d’aucuns ont qualifié d’« électrique », « intense » ou « poignant », eu égard à ce qu’il charrie de problématiques douloureuses pour la Corse : la dépossession immobilière, les pressions mafieuses qu’elle engendre. « Aujourd’hui, il y a un cinéma qui vient dire quelque choses de tout ça », a apprécié le maire Jean-Christophe Angelini. La salle rouge était remplie et les spectateurs ont longuement applaudi l’équipe du film.
Et le lendemain, on est allé voir les comédiens, voir les musiciens, qui ont rendu hommage à l’immense Charles Aznavour : par la projection de Monsieur Aznavour, le film de Mehdi Idir et Grand Corps Malade, porté par un Tahar Rahim époustouflant dans le rôle-titre. Puis par une soirée cabaret sur la piazza ‘llu quartieri, durant laquelle ont été interprétées plusieurs chansons du grand Charles. Ces « after » qui font durer le plaisir de la projection, c’était la grande idée du PFF. Le Mohican avait lui aussi été suivi vendredi par une soirée festive animée par les Casabianca Drivers, avec food-trucks, bar et vue sur le golfe de Porto-Vecchio.
Pas de requin sur la plage…
Il aurait dû en être de même dimanche, cette fois sur la plage de Santa Giulia, après la projection en plein air des Dents de la mer, mais la soirée a malheureusement dû être annulée. Car en ce premier jour d’automne, le ciel a fait passer le message que l’été, c’était bien terminé. Il se dit que le requin reviendra peut-être. A suivre (au cinéma, hein…).
Samedi après-midi, la comédie L’Art d’être heureux ne nous a pas convaincu, en dépit d’un casting qui rassemblait pourtant Benoît Poelvoorde, Camille Cottin et François Damiens. On a été soufflés, en revanche par le travail réalisé sur Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois. Son réalisateur, Michel Fessler, a passé exactement seize semaines à filmer des faons, lapins, loups, hiboux ou corneilles dans une forêt du centre de la France et le résultat sidère par la beauté des images. Les nombreux enfants présents dans la salle ont eu l’impression de regarder un documentaire animalier, mais qui suit la trame scénaristique de Bambi.
La comédie On aurait dû aller au Grèce s’amuse à retourner les clichés entre corses et touristes continentaux. Ces derniers, à défaut d’être allés en Grèce, se retrouvent bien mal embarqués dans une luxueuse villa corse. Le tournage a eu lieu à Porto-Vecchio l’an dernier. Le coprésident du Portivechju film festival, Michel Ferracci, a joué dedans et écrit une partie du scénario. Le film a été bien accueilli par les Porto-Vecchiais, dimanche. Les deux têtes d’affiche, Gérard Jugnot et Elie Semoun, étaient présents, ils ont échangé avec les spectateurs à l’issue de la projection. « Il y a quelque chose de pagnolesque que l’on peut aborder au cinéma en Corse », a fait remarquer Gérard Jugnot.
“Era ora !”
Le PFF, ce n’était pas que des projections de films. Il y a eu aussi des conférences, des rencontres entre professionnels, la présence de personnalités reconnues du milieu du cinéma, comme le producteur Hugo Sélignac, les réalisateurs Thierry De Peretti et Olivier Marchal, l’acteur Romain Duris. L’homme qui les a convaincus de contribuer à la visibilité du PFF, c’est Michel Ferracci : « Ce sont des gens que je côtoie et qui m’ont fait confiance. » Un festival à la maison, l’acteur porto-vecchiais y pensait depuis un moment : « J’ai envie de dire : « Era ora ! » Déjà, quand je tournais Mafiosa, Eric Rochant (le créateur de la série, NDLR) m’avait dit de faire un festival à Porto-Vecchio. Et puis ça ne se faisait pas. L’année dernière, on en a discuté avec Jean-Chri (Angelini). Je lui ai dit o Jean-Chri, soit on le fait à Porto-Vecchio, le festival, soit on va le faire ailleurs. Il m’a dit, non, on le fait ici. » Et au soir de la première édition du PFF, Michel Ferracci annonce la couleur : « Le Portivechju festival, c’est parti pour durer. On n’a eu que des bons retours, il n’y a pas de raison. Cette année, c’était sur deux jours et demi, l’an prochain ce sera sur six ou sept jours. Et je peux dire qu’il y aura des acteurs et actrices qui m’ont déjà confirmé leur venue. » Cannes n’a qu’à bien se tenir, Porto-Vecchio aussi déroule son tapis !
Les dates de sortie au cinéma des films présentés en avant-première au PFF :
– “Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois” : 16 octobre 2024
– “Monsieur Aznavour” : 23 octobre 2024
– “L’art d’être heureux” : 30 octobre 2024
– “On aurait dû aller en Grèce” : 13 novembre 2024
– “Le Mohican” : 26 mars 2025