Ville emblématique de la deuxième circonscription, Bonifacio en est l’une des communes les plus attractives. Sur le port, en ville ou dans le rural, les professionnels du tourisme plaident pour des députés qui viendraient prendre le pouls sur place afin d’offrir des solutions concrètes.
Sur un port ensoleillé de Bonifacio, la matinée s’étire lentement : on s’installe au café, on se presse pour grimper à bord des bateaux qui proposent des croisières à la journée, on observe le ballet de ceux qui partent faire un tour de ville en petit train. Rien que de très habituel en cette période.
Pourtant, de l’avis général, le mois de juin est plutôt morose côté fréquentation, « alors que mai a été très bon ». On incrimine le pouvoir d’achat, le prix des billets d’avion ou de bateau. On pense moins à aller chercher du côté des législatives, « parce qu’on n’a pas enregistré d’annulations pour ce week-end ou le suivant. En revanche, même si on perd peut-être sur les réservations de dernière minute, on ne connaît pas la part de ceux qui ont renoncé à venir autour des dates des élections », remarque un hôtelier.
« D’abord le prix du transport »
Lorsqu’on les interroge, les professionnels du tourisme de la cité des falaises tentent d’imaginer ce que les députés pourraient faire pour les aider depuis le Palais Bourbon.
« On nous parle de quotas aux Lavezzi, de zones à protéger, mais la régulation se fait seule : il y a moins de monde », se désole une hôtelière installée depuis de nombreuses années. « Nous avons eu beaucoup de constructions : hôtels, villas… On a ce qu’il faut pour accueillir du monde, mais les gens viennent moins parce que la destination est chère, à commencer par le transport. C’est le premier sujet sur lequel les députés devraient se pencher en ce qui concerne le tourisme en Corse. »
Anthony Di Meglio, commerçant, n’attend « pas grand-chose des pouvoirs publics » par rapport à son activité. En revanche, il estime que la gestion du tourisme passe aussi par celle de l’urbanisme : « Car beaucoup de résidences secondaires se sont construites, mais au final, ce sont des gens qui consomment relativement peu, à quelques exceptions près. Du fait de ces constructions pour du logement secondaire, les prix ont tellement flambé que les jeunes d’ici ne peuvent plus s’installer. Peut-être faudrait-il réguler le nombre de permis accordés pour autre chose que du logement principal. »
Et quand il est question de réguler les locations Airbnb, comme le prévoit la proposition de loi examinée récemment au Sénat, on se montre plus frileux, tout en admettant que « certains en profitent beaucoup trop et ont en réalité une activité hôtelière déguisée », note un professionnel, qui estime que « plutôt que de légiférer au niveau national, il faudrait voir ça via l’Assemblée de Corse ou même au niveau municipal comme pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ».
« Les gens viennent moins parce que la destination est chère, à commencer par le transport. C’est le premier sujet sur lequel les députés devraient se pencher en ce qui concerne le tourisme en Corse »
Le casse-tête du logement pour les saisonniers
La problématique du logement revient aussi inlassablement dès qu’il est question des saisonniers. « C’est le premier investissement à faire si on veut avoir des gens qui restent toute la saison, sinon, c’est peine perdue », remarque Juliana, responsable d’un commerce et restauratrice. Dans un bar tout proche, on explique « privilégier les jeunes Bonifaciens pour éviter ce casse-tête. La contrepartie, c’est qu’il est parfois difficile de trouver des saisonniers locaux en nombre ».
Légiférer à ce sujet ? Obliger les communes à avoir des logements pour les saisonniers ? « Pourquoi pas… L’idée pourrait être intéressante pour les hôteliers et nous », juge un patron de plusieurs restaurants. « En contrepartie, nous pourrions proposer des salaires plus intéressants ou d’autres compensations. »
Les socioprofessionnels aimeraient aussi sécuriser leurs emplois saisonniers, voire les rendre pérennes, « ce qui nécessite des aides. Les saisons attirent moins. Malheureusement, pour garder du monde à l’année, nous devons pouvoir lisser les salaires sur ce laps de temps ».
Une solution ? « Avoir moins de charges, évoque Juliana. Nous payons autant que les commerces ouverts à l’année alors que nous devons faire notre chiffre sur quatre à six mois. »
De manière générale, les socioprofessionnels rencontrés imaginent peu ce que les députés pourraient faire pour les aider, misent plutôt sur les municipales. « Parce qu’on se connaît, qu’on peut parler autrement. Les municipales sont peut-être plus importantes que les législatives pour nous », estime Anthony Di Meglio. Sans lui emboîter le pas sur ce point, puisqu’elle considère que « le premier niveau est national », une hôtelière du port affirme qu’il « faut des gens de terrain qui viennent nous parler. Il n’y a que comme ça que les députés pourront trouver les bonnes solutions pour le tourisme en Corse. »