Les restaurateurs à l’assaut des compagnies d’assurance @CorseMatin

Durant près de trois mois, tous les restaurants sont demeurés vides, victimes de pertes d’exploitation dues aux fermetures administratives imposées.
PIERRE-ANTOINE FOURNIL
Très remontés contre leur assurance qui refusent de les indemniser pour perte d’exploitation alors qu’ils sont couverts pour cela, de nombreux restaurateurs se mobilisent à travers l’Umih ou en association. Ils annoncent des recours en justice et « ne vont pas en rester là »
Lors de la dernière réunion entre la municipalité d’Aiacciu et les services de l’État ayant pour objet les aides au profit des commerçants et restaurateurs, Stéphane Sbraggia l’a dit sans ambages : « Il y a des absents autour de cette table, ce sont les assureurs. » Le premier adjoint au maire de la cité impériale n’est pas le seul à les chercher. En ces temps historiquement difficiles pour le commerce en général et les métiers de bouche en particulier, la majorité des professionnels se tournent vers leurs assureurs. Pendant plus de deux mois sans activité, après une fermeture administrative imposée pour cause d’épidémie de Covid-19, ils ont eu le temps d’éplucher leur contrat. Et beaucoup y ont trouvé toutes les raisons d’espérer une aide pour perte d’exploitation. Ces deux derniers mots empoisonnent les relations entre professionnels et assureurs depuis plusieurs semaines, tant les uns et les autres n’en ont pas la même lecture.
Selon l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie nationale (Umih), 60 % des restaurateurs sont couverts par leur assurance pour la perte d’exploitation. Pour eux, les indemnisations devraient être évidentes. Pas pour les assureurs. Raphaël Ortolano, président de la chambre professionnelle des agents généraux de Corse et assureur pour Axa, reprend l’argumentaire de la majorité de ses confrères : « Le principe qui régit l’assurance est la mutualisation, ceux qui sont le moins touchés payent pour ceux qui en ont le plus besoin, c’est ainsi dans tous les domaines. Or, l’immense majorité des contrats d’assurance ne prennent pas en compte les cas d’épidémie ou de guerre, qui sont des crises systémiques. Comme tout le monde est touché, il n’y a plus personne pour financer personne. »
À l’instar du P.-D.G. d’Axa, Jacques de Peretti, il affirme qu’indemniser les professionnels sur ce genre de risques reviendrait à « mettre un terme aux assurances ». Raphaël Ortolano évoque bien des aides à travers « la remise de cotisation sur les mois impactés par le Covid ». Une « blague qui n’est pas à la hauteur des enjeux » pour les restaurateurs interrogés.
Il précise enfin qu’il n’a « jamais été invité à la réunion » qui s’est tenue en mairie d’Aiacciu la semaine dernière afin de discuter des aides aux commerçants et maintient que les assureurs demeurent des « partenaires » précieux pour leurs clients.
Un restaurateur parisien, Stéphane Manigold, a pourtant fait plier son assureur Axa. Le 22 mai, le tribunal administratif de Paris a condamné le poids lourd européen à indemniser son client pour la perte de deux mois d’exploitation, soit « 70 000 € et plus d’1 million d’euros sur l’ensemble de mes quatre établissements », a précisé l’intéressé dans une conférence de presse relayée par de nombreux médias nationaux. Même si Axa a fait appel assurant que les contrats similaires à ceux de M. Manigold,« souscrits par des courtiers » et « sujets à interprétations », ne représentent « que 10 % des contrats des restaurateurs chez Axa », cela suffit pour que les professionnels de la restauration s’engouffrent dans la brèche et fassent valoir leurs droits.
Contrat en main, Frédéric Ruiz, président des restaurateurs de Corse pour l’Umih, propriétaire de l’Attellu à Biguglia, ne décolère pas contre « les clauses abusives » qu’il a pu lire dans de nombreux dossiers. L’une d’elles, figurant dans son propre contrat Axa, contredit la garantie qui est pourtant censée le couvrir (lire cadre). « Nous sommes victimes d’une crise sans précédent, nous payons depuis des années pour nous assurer en cas de perte d’exploitation après une fermeture administrative et au moment où on en a le plus besoin, on nous refuse nos droits. C’est une injustice et ça ne va pas se passer comme ça », martèle-t-il.

« Nous avons trois partenaires indispensables : le comptable, le banquier et l’assureur. Les deux premiers ont fait le job »

« Mandater des avocats s’il le faut »

Jean-Jacques Lovichi, hôtelier à Aiacciu ne dit pas autre chose. Il avait prévu l’embauche de vingt-sept personnes, douze d’entre elles sont logées gratuitement dans son établissement le Dolce Vita depuis deux mois et il les accompagne. « Que l’on ouvre ou pas début juin, ils auront leurs contrats, car on ne va pas laisser ces gens dans une telle situation, c’est ma priorité. Mais en attendant, j’observe que je n’ai pas reçu le moindre appel de mon assureur alors que nous sommes dans une période exceptionnellement difficile. » En tant que restauranteur-hôtelier, il affirme avoir « trois partenaires indispensables : le comptable, le banquier et l’assureur ». Avant d’asséner : « Depuis le début de cette crise, les deux premiers ont fait le job. »
Organisés depuis peu en association, plus d’une vingtaine d’hôteliers d’Aiacciu devraient également se mobiliser sur ce terrain. « Nous mandaterons des avocats pour connaître le fin mot de l’histoire s’il le faut, affirme Jean-Jacques Lovichi. Nous n’aurons sans doute pas tous gain de cause mais nous devons nous battre pour ceux qui pourraient justement en bénéficier. »
Une situation d’autant plus difficile que les restaurateurs et hôteliers connaissent souvent personnellement leurs assureurs, qui sont devenus des amis pour certains. Mais le message passé par les différentes directions des groupes est moins cordial. « Ils affirment être à nos côtés et ils ont envoyé six avocats contre Manigold, exigeant le remboursement des frais de justice en cas de victoire. Cela aurait représenté une somme très importante pour le restaurateur. Ils jouent de leur influence et de leur puissance financière, ils mentent afin de retourner l’opinion publique contre nous en affirmant que s’ils nous dédommagent, ils ne pourront plus assurer les particuliers pour leurs voitures ou leurs motos, déplore Frédéric Ruiz. Ils assurent ne pas pouvoir payer alors qu’ils remontent des milliards de dividendes à leurs actionnaires (lire encadré) et nous, nous sommes fermés et on meurt. À l’Umih, nous estimons que 30 à 40 % des restaurateurs ne rouvriront pas, car le climat n’est pas à la consommation. »
Leur représentant pourrait « entendre une volonté de négocier des assurances mais pour l’heure, aucun signal ne va dans ce sens. Dans tous les cas, on ne lâchera rien ».Face à la sourde oreille des assureurs, l’État qui s’impatiente a même menacé de légiférer. Certains assureurs comme le Crédit mutuel ont commencé à desserrer l’étau. Jusqu’où seront-ils prêts à aller ?

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