Après le désastre, la construction. Alors que cette semaine un incendie a ravagé plus de 1200 ha de forêt et maquis, à Quenza démarrait hier la 4e édition des Assises de la montagne. Deux journées pour définir les défis à relever
L’ascension d’une montagne, un exercice difficile et périlleux. Pour cette 4e édition, acteurs, élus, partenaires et associations se sont à nouveau concertés pour tracer le chemin à parcourir avant d’accéder au sommet.
Deux jours de travaux indispensables pour l’avenir de la montagne corse.
Des rencontres qui revêtent un caractère particulier, alors que le feu de Quenza, Solaro et Sari Solenzara n’est pas encore totalement éteint et que plus de 1 200 ha de forêt sont partis en fumée.
Une catastrophe environnementale au centre des discussions dès le commencement de la journée. “Les feux hivernaux ne sont plus l’exception mais la règle“, observait Jean-Félix Acquaviva qui a fait en préambule l’historique du comité de massif.
Pour le député Paul-André Colombani, impossible d’arriver à Quenza sans commenter l’actualité. “Je suis en colère. Alors que le ministre de l’Intérieur Castaner s’est engagé à ce que les Canadair restent, ils sont déjà partis contre l’avis des pompiers. Je ne sais pas ce qu’il est venu faire hier sur l’île à part manger des petits fours à la mairie d’Ajaccio“.
Revitaliser l’intérieur
À l’heure où la Corse est au chevet de la montagne, la question d’organiser cette semaine ce rendez-vous annuel se posait. “Si nous avons décidé de maintenir les Assises, il y avait un sens et, de surcroît, au vu du contexte“, affirmait le président du comité de massif de Corse, Jean-Felix Acquaviva. Ne pas détourner le regard, alors que la montagne brûle.
Dans la salle, il y a des élus, des habitants du territoire. Des acteurs économiques et touristiques aussi. Des visages préoccupés par l’avenir. “Il existe sur ces territoires comme ailleurs des projets concrets, petits ou plus importants, mais attaquons-nous à ces essentiels-là“, lançait le président de l’intercommuna-lité et maire du village de Zoza, Pierre Marcellesi. Isolement, état du réseau mobile, surfréquentation des sites, difficulté à monter des dossiers… Une réalité du quotidien, pour ces hommes, ces femmes, qui habitent la montagne. “Nous sommes sur une mine d’or. Arrêtons de faire du fatalisme. Mais en même temps, arrêtons de trop rêver, restons concret“. Se réapproprier l’espace et redonner leur place à ceux qui ont toujours su l’occuper dignement.
À côté du président de l’interco, Roselyne Balesi, la mairesse de Quenza, résume à elle seule le combat des élus sur la partie montagne. Fréquentation du plateau du Cuscionu, sécurisation de la route d’accès, bergeries communales restaurées, château de Quenza qui menace de s’effondrer… des dossiers dont la mairesse s’est emparée à bras-le-corps.
Après l’émotion, place à l’action.
Les participants sont entrés rapidement dans le vif du sujet et ont confronté leurs points de vue.
Europe et perspectives
L’Europe doit prendre en compte les zones de montagne, comme les zones insulaires. L’article 174 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est assez explicite à ce sujet. De ce fait, la Corse, par ses caractéristiques d’île montagne, est au cœur de ces enjeux.
Marie-Antoinette Maupertuis est la conseillère exécutive en charge des affaires européennes et internationales de la Collectivité de Corse et également membre du Comité européen des régions.
À Quenza, elle a présenté les orientations préconisées par la Commission européenne. La nouvelle programmation 2021-2027 est en cours de définition. Elle revêt pour les régions insulaires et de montagne des enjeux spécifiques de cohésion et d’équité territoriales.
Dans un contexte budgétaire européen en tension, la définition de la coopération territoriale européenne, de la politique de cohésion et de la politique agricole commune exigent une attention toute particulière au regard des attentes des zones rurales et de montagne. “Cela survient à un moment charnière : nous sommes en train de terminer la programmation des fonds européens, programme opérationnel 2014-2020. La certification définitive interviendra en 2023“. Autre cheval de bataille de Nanette Maupertuis : le Feder massif. “La Corse n’a jamais bénéficié d’une enveloppe particulière du Feder, qui s’appelle le Feder massif. Il est mobilisé depuis longtemps dans le Jura, les Pyrénées et les Alpes. Nos prédécesseurs ne l’ont jamais revendiqué“. Un axe à explorer pour le développement de la montagne.
Après la théorie, il s’agit de la mise en pratique. “Toute la gageure étant de passer du cadre général, au terrain, à la réalité concrète“, développait la conseillère exécutive, également présidente de l’ATC (agence du tourisme de la Corse).
L’après-midi était programmée une consultation des acteurs de terrain pour bien circonscrire les besoins du territoire à travers des exercices en atelier. L’idée étant de mettre en place une logique ascendante et donner la parole pour faire remonter les enjeux et projets à développer sur les dix prochaines années. Plusieurs interventions se sont recoupées. Les débats se sont achevés hier à 18h30.
La journée d’aujourd’hui n’en est pas moins riche. Sera présenté le bilan de la programmation du SADPM (Schéma d’aménagement de développement et de protection du massif corse). Autre thème attendu : les manifestations sportives en montagne. Ou comment concilier compétitions et protection du patrimoine naturel.
ANGE-FRANÇOIS ISTRIA
51 000 visiteurs au lac de Melo
A.-F.I.
C’est la première fois qu’un comptage est réalisé. François Sargentini a présenté les résultats de l’étude de fréquentation touristique du GR20. L’office de l’environnement de la Corse entame une démarche globale d’évaluation des flux sur le territoire insulaire. “La question de la préservation de nos sites n’est pas négociable. Parallèlement, la Corse ne peut se priver de l’économie de la montagne. Nous sommes en train d’inverser la logique qui a prévalu pendant des décennies“. Deux sites emblématiques qui connaissent une très grande fréquentation ont particulièrement retenu l’attention : la haute vallée de la Restonica et Bavella. Il a été établi une enquête de fréquentation sur le terrain. Des écocompteurs ont été placés à des endroits stratégiques : un système de dalles enfoui réagit au passage des piétons. Ainsi, au lac de Melo, on a recensé 51 000 visiteurs entre juin et septembre 2019. Sur le GR 20, les randonneurs génèrent en réalité de très faibles retombées économiques. “Ils viennent et ils repartent. On évalue à 496 ¤ dépensés par personne. C’est minimal. Seulement 1 % d’entre eux va faire appel à un accompagnateur“.