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Tourisme : la Corse délaissée, anatomie d’une chute

@CorseMatin
La Corse attire moins de vacanciers depuis deux ans. Une désaffection qui interroge et inquiète.
La Corse attire moins de vacanciers depuis deux ans. Une désaffection qui interroge et inquiète.
CHRISTIAN BUFFA

Au-delà des premières tendances qui pointent une saison à nouveau en repli, quid du modèle insulaire qui ne fait plus recette tandis que la désaffection observée bat en brèche l’idée d’une destination incontournable. Passée de mode la Corse ? Décryptage.

Qui aurait pu imaginer qu’en guise de combat contre la surfréquentation touristique, engagé depuis quelques années par l’exécutif régional, l’île soit aujourd’hui rendue à sortir le drapeau blanc pour ramener vers elle une clientèle qui la boude ? Un paradoxe comme la Corse sait en fabriquer à l’envi.

En mai dernier, l’Agence du tourisme (ATC) lançait ainsi une opération séduction visant à enrayer des prévisions estivales bégayantes. Jusqu’à moins 30 % sur les billets d’avion pour les vacanciers choisissant un package vol-hébergement, hors marché Airbnb.

Objectif, “convaincre toujours plus de visiteurs de venir”, indiquait alors Marie-Hélène Casanova-Servas, la présidente du conseil de surveillance d’Air Corsica.

Une phrase qui en disait déjà long sur la difficulté à capter, en particulier depuis la saison 2023 – en recul de 8,1 % par rapport à 2022, selon l’Insee – les flux de vacanciers.

Et un comble pour une destination dépeinte par l’ATC comme suffisamment solide pour s’exonérer de toute publicité en haute saison. Sauf que le scénario se répète en 2024. Comment en est-on arrivé là ? Éléments de réponse.

“L’île n’est pas la seule à faire rêver, ose Benoît Chaudron, le vice-président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih Corse). Nous avions constaté une très forte évolution de notre tourisme en 2022 car une partie du monde était encore fermée et que l’on dirigeait les vacanciers vers les lieux sûrs, dont nous étions. Depuis, le monde a rouvert, avec des lieux magiques, accessibles sur présentation d’un simple passeport. Dès lors, la carte postale insulaire d’il y a une dizaine ou une vingtaine d’années ne suffit plus”.

Deuxième choix

Informations brassées par Internet, dessertes régulières vers des pays sécurisés, tarifs adaptés au pouvoir d’achat des classes moyennes, autant d’ingrédients qui ont relativisé l’urgence touristique à opter pour la Corse.

“Nous ne représentons plus une destination aussi facile qu’auparavant parce qu’actuellement on sait que l’on peut placer l’île en deuxième choix. On se dit que l’on s’y rendra, mais que l’on n’est pas obligé d’y aller dans l’immédiat”.

Cette propension à ne plus se précipiter, Ange Santini, le maire de Calvi, l’analyse aisément.

“Nous sommes en émulation avec l’ensemble des pays. Et l’on se paie le luxe de ne pas valoriser la Corse en juillet et août ? Le mythe d’une île à laquelle on pouvait succomber quoi qu’il en coûte, si tant est qu’il ait existé, a vécu”.

On doit à présent s’adapter, innover, martèle l’élu de droite, “le modèle d’un territoire valant pour ses paysages et ses plages ne fait plus recette, tandis que face à la massification de l’offre, la Corse disparaît”.

Dans l’Extrême-Sud, Jean-Noël Marcellesi, propriétaire de trois établissements cotés – lorgne, à l’instar de nombre de ses pairs, les “efforts qualitatifs” des Baléares, de la Grèce, de la côte Adriatique, entre tant d’autres.

Et parle cash.

“En économie, on ne vit jamais sur des rentes de situation. L’éclairage plutôt favorable dont nous avons bénéficié est devenu insuffisant pour faire de l’île une destination compétitive, entretenant son attractivité et travaillant la qualité de son offre touristique. C’est tout le problème, fulmine-t-il, quand d’aucuns cultivent avec savoir-faire ce qui nous fait désespérément défaut”.

Le GR 20 en tongs

Sans compter que, pour ne rien arranger, l’on demeure sur les principes de “l’ancienne génération”, renchérit Benoît Chaudron.

“Nous avons du mal à développer l’expérience de nos vacanciers. On se contente de leur dire ‘‘Vous avez la mer, la montagne, débrouillez-vous”. On ne draine pas de fêtes extraordinaires sur les plages, on ne trouve pas de toboggans qui se jettent dans la mer, faire des balades dans les vallées reculées est une gageure. On a même détruit le GR 20 faute de réglementation, les gens sont en tongs et montent à la journée”.

En arrière-plan, martèle-t-il, un tourisme voulu mais sans que l’on pose la question des structures.

“On a ouvert du Airbnb partout. Conséquence, on ne peut conseiller ceux qui y ont recours, les rediriger vers du loisir, de la culture, de l’excursion. In fine, on cible tout le monde pour ne rien avoir, le Airbnb coupe de tout contact humain. La fameuse image d’Épinal se déchire faute de rencontres. On a fabriqué un tourisme quasi individuel, sans âme, quand il est une affaire collective”.

D’accord, Jean-Noël Marcellesi – “sans un relais politique puissant, les efforts individuels sont voués à l’échec – qui met les pieds dans le plat.

La situation de régression dans laquelle s’est engagée la Corse depuis l’an dernier risque de durer parce qu’elle est le résultat d’une action coordonnée par la passivité de l’exécutif corse. Celui-ci a inversé tous les paradigmes, en ne régénérant pas l’offre, avec une politique des transports qui marche sur la tête, clientéliste, et se désintéressant de la qualité de la desserte pour le touriste”.

Rive sud d’Ajaccio, Jean-Baptiste Luccioni, le maire de Pietrosella, s’interroge à son tour.

“Sommes-nous au bout de notre façon d’organiser le tourisme ? Si oui, il faut se réinventer. Mais avant de tracer de vraies orientations stratégiques, dressons un état des lieux en temps réel”.

La mer à boire

Enfin, Christian Mantei, le président d’Atout France – l’opérateur de l’État en matière de tourisme – s’en tient à son œil d’expert, lui qui ne cesse de “scruter la concurrence”.

“On voit les efforts réalisés en Espagne, en Italie, en Grèce, au Portugal, en Croatie, avec, de surcroît, l’émergence de nouvelles destinations, comme l’Albanie, dotée d’une importante offre de lits”.

Si la concurrence est montée en qualité, la Corse n’a pas abaissé son niveau, précise-t-il, néanmoins, elle ne peut lutter contre des pays qui tiennent les prix grâce à leurs volumes d’hébergement leur permettant “d’entrer sur les grands marchés émetteurs de la distribution. Il ne faut pas oublier que le tourisme fait à la fois appel à de l’artisanat d’art dans les territoires mais est également une industrie”.

Passée de mode, l’île ? “Elle aura toujours sa clientèle, à condition de jouer la carte de l’excellence avec des prix compétitifs et des activités d’avant et arrière-saison”, insiste le président d’Atout France.

Surtout, il s’agira de définir une stratégie “pour donner à la Corse un rôle à part. Celle-ci est en mesure de passer sur une distribution de niche haut de gamme”.

L’image de carte postale de l’île “n’est pas écornée”, assure, pour sa part, l’ex-député François Pupponi, en vacances dans son fief de l’Alta Rocca.

L’enfant du pays estime, lui aussi, que “s’il n’y a pas une volonté collégiale de s’adapter, cela ne marchera pas. Aujourd’hui, alors que des professionnels s’arc-boutent, des élus leur tirent dans les pattes en leur expliquant qu’il n’est pas utile de faire la promotion de la Corse, l’été”.

L’île saura-t-elle convoquer le collectif pour survivre à la concurrence et continuer à mener sa barque ? Certains veulent croire que ce n’est pas la mer à boire.

Par Anne-C. Chabanon

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