Fanny Hamard
Retrouvez tous les articles de notre dossier :
1. Tourisme : en Corse, hôtels et restaurants cherchent vacanciers désespérément
2. Porto-Vecchio : une fréquentation touristique en dent de scie
3. Fréquentation touristique en Balagne : sentiment mitigé des socioprofessionnels
Mais où sont passés les touristes ? Alors que la saison bat son plein en Corse, certains professionnels guettent désespérément l’estivant. Rien à faire : à Ajaccio comme en Balagne ou dans l’Extrême-Sud, certaines terrasses de restaurants sont littéralement désertées.
Première piste : le flux de vacanciers. Si le deuxième trimestre 2024 s’était traduit par une augmentation des passagers dans les aéroports (+ 3 %) et les ports (+ 4 %) insulaires par rapport à 2023, juillet inverse la tendance.
Le nombre de passagers marque le pas dans les ports corses (- 1 %). Dans les avions, ils sont même 10 % de moins qu’en juillet 2023. Par rapport à juillet 2019, le repli est de 4 %.
Les touristes seraient-ils fâchés avec la Corse ? La première explication est sans doute à chercher du côté du portefeuille et des budgets vacances rognés par l’inflation. Selon un sondage Elabe pour Les Échos et l’Institut Montaigne, 53 % des Français seulement ont l’intention de partir en vacances cet été, soit 5 points de moins par rapport à l’an dernier. Ce recul est plus net chez les Français qui bouclent difficilement leurs fins de mois (40 %, soit 8 points de moins). De fait, selon la société de conseil Protourisme, la tendance au repli de la fréquentation est générale et touche toutes les régions de France (Normandie, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, etc.), excepté la Côte d’Azur qui attire les touristes étrangers.
Les touristes économisent
Chez Rita Codaccioni, au restaurant L’Amirauté, à Ajaccio, on enregistre une baisse de “25 % par rapport à 2023”. La patronne des lieux concède des mois “corrects” en mai et juin qui contrastent avec un “mauvais mois de juillet”. Selon elle, l’explication de cette mauvaise tendance est à chercher du côté des transports. “Nos clients nous disent que c’est très cher pour venir en Corse. Dans mon domaine, j’essaie de faire des efforts, avec l’aide de mes fournisseurs, je n’augmente pas mes prix et je ne change pas ma carte. Mais tant que ce sera plus cher de venir en Corse que d’aller à New York…”, souffle-t-elle.
Car sur leurs lieux de vacances, les estivants entendent économiser : ils devraient dépenser 1 428 € en moyenne, soit 228 € de moins qu’à l’été 2023. L’alimentation, les restaurants et les activités de loisirs sont les postes de dépenses les plus touchés, toujours selon Elabe. “Ils ne prennent plus de dessert, pas de vin, une simple carafe d’eau et se partagent même parfois les plats”, remarque Antoine Fieschi, gérant des restaurants U Pescadore et Le Robinson sur la marine de Porto (Ota).
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Côté hébergement, la situation est contrastée. “Les résidences de tourisme / villages vacances (RT/VV) et les Gîtes de France enregistrent des taux de réservations plus élevés tandis que les hôtels accusent un certain retard”, constate l’agence du tourisme de la Corse (ATC) dans une note de conjoncture publiée début juillet 2024.
Les meublés de tourisme pointés du doigt
L’hôtellerie traditionnelle apparaît en effet comme la grande perdante, avec des taux de réservation qui atteignent péniblement les 50 %. “Juin a été médiocre et juillet a été mauvais dans l’ensemble. Ce n’est pas comme avant, où cela ne concernait que la première quinzaine de juillet”, souligne Jean-Baptiste Pieri, secrétaire général de l’association des hôteliers du golfe d’Ajaccio.
Ce dernier pointe la concurrence des meublés de tourisme. “On n’est pas aveugles. On voit que des gens arrivent en Corse. Mais la plupart ne résident pas dans l’hébergement professionnel, ils vont dans les meublés. Il y a un vrai transvasement du mode d’hébergement”, observe-t-il. Selon le site spécialisé AirDNA, qui compile les données des sites Airbnb et VRBO (Abritel, Homeway), 376 000 nuits ont été réservées sur juillet 2024 dans des meublés de tourisme en Corse, contre 365 000 à la même période l’an dernier. La dynamique est identique sur les mois précédents.
Mais dans cette saison morose, certains tirent davantage leur épingle du jeu. Côté alimentation, un patron de grande surface ajaccien le concède volontiers : son secteur est peut-être celui qui “souffre le moins en période estivale”, tant les vacanciers semblent privilégier la grande distribution aux sorties restaurant, le tout encouragé par la progression des locations de type Airbnb. Mais il relativise : “L’inflation qui touche tout le monde ne nous épargne pas. Les clients des grandes surfaces consomment autrement eux aussi, donc moins, en se concentrant sur l’essentiel.”
Quant à l’hébergement, le grand gagnant de la saison pourrait être Gîtes de France. Le spécialiste du logement chez l’habitant affiche des taux d’occupation insolents malgré un léger recul : 71 % en juillet, selon Dominique Chilotti, directrice des Gîtes de France Corse. Le succès incontesté de la marque s’observe depuis quelques années déjà au niveau national. “Chez nous, il n’y a pas de boîte à clefs, mais des gens qui aiment leur patrimoine, leur région et qui le partagent avec les gens”, vante Dominique Chilotti, qui fait valoir “l’authenticité” de ces gîtes ruraux.
Un plébiscite que pourrait aussi expliquer le rapport qualité-prix de cette offre locative. “En août nous aurons un taux d’occupation de 87 %, c’est un peu mieux que l’an dernier. Et septembre sera très bon”, anticipe la directrice régionale de Gîtes de France.
Un regain de fréquentation en août ?
De quoi espérer un regain de fréquentation dans la deuxième moitié de l’été ? Les chiffres publiés par l’ATC laissent entrevoir une fréquentation plus soutenue en août et des taux de réservation relativement confortables pour septembre. De l’avis de Benoît Chaudron, “la saison, compliquée, démarre plus tardivement”. Le vice-président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) de Corse confirme ce sentiment d’une saison glissante vers septembre. Avec forcément des tarifs moins élevés dans l’arrière-saison et donc une érosion du chiffre d’affaires.
Par Laetitia Giannechini lgiannechini@corsematin.com et Ghjilormu Padovani gpadovani@corsematin.com
