La crise du Covid-19 impactera de nombreux secteurs de l’île, principalement liés au tourisme, mais pas seulement. Attilius Ceccaldi, président de la Frotsi Corse, tire la sonnette d’alarme sur les difficultés à venir pour les socioprofessionnels et les offices de tourisme
Tony Ceccaldi : « Les mesures préconisées par l’État ne pourront sans doute pas être prises en charge par les offices. » JEANNOT FILIPPI |
Les scenarii annoncés pour « l’après crise sanitaire » laissent planer le spectre des effets cascade d’une « crise économique sans précédent » sur l’île. Premiers impactés, les socioprofessionnels du tourisme devront essuyer la vague. Et avec eux en première ligne, les offices de tourisme (OT).
« Avec 3 millions de touristes et plus de 10 millions de nuitées, l’économie corse demeure incontestablement liée à la saisonnalité, rappelle Attilius Ceccaldi, président de la Fédération régionale des offices de tourisme (Frotsi Corse). La crise liée au Covid-19 est plus que virulente dans notre région, où le tourisme représente 24 % du PIB, et les transports qui lui sont liés, 7 %. Soit 31 % au total, contre quatre fois et demie moins sur le continent. »
Un SOS lancé à la CdC et à l’ATC
La Frotsi regroupe 21 offices sur toute l’île. Financés à 80 % par la taxe de séjour, les OT sont particulièrement en danger « face au spectre de cette saison sans fréquentation » :« La taxe de séjour représente, pour l’ensemble des structures, près de 8,5 millions d’euros », rappelle-t-il.
Une recette qui a malheureusement de grandes chances de ne pas être au rendez-vous cette année. Avec peu de visibilité sur l’ouverture des établissements, les réservations de mai et juin sont d’ores et déjà annulées.
Et les mois de juillet et août laissent présager un nombre de réservations très inférieur à ce que la Corse a l’habitude d’enregistrer.
Pour les offices qui ont développé la commercialisation d’offres touristiques locales (visites guidées, billetteries de concerts et spectacles, organisations et/ou accompagnements d’événements, créations de leurs propres produits…), la recette, qui s’élève à quasiment 2 millions d’euros sur toute la Corse, risque de se réduire à peau de chagrin. Sans parler des habituels partenariats – émanant notamment des socioprofessionnels et dédiés à la promotion des territoires et qui financent dans la plupart des cas les différents supports de communication
– qui seront, eux aussi, très certainement absents.
– qui seront, eux aussi, très certainement absents.
« Les interrogations sont nombreuses, souligne le président de la Frotsi Corse. Et sans budget, les offices de tourisme renoncent pour la plupart à embaucher des saisonniers, à ouvrir les bureaux d’information touristique satellites, et s’interrogent même quant à l’ouverture des espaces d’accueil principaux à partir du 11 mai », appuie-t-il.
La situation est particulière. « Les habitants ont peur et c’est bien normal, des touristes peuvent arriver avec le virus et l’on comprend que beaucoup préfèrent rester tranquilles cet été, peut-être en laissant uniquement rentrer les Corses de la diaspora », remarque-t-il.
Une peur partagée aussi par les équipes, qui travaillent à mettre en place toutes les mesures de sécurité, afin de parvenir à une réouverture « progressive et rassurante ».
En conformité avec les mesures sanitaires préconisées par l’État, dont la mise en place « reste encore à chiffrer » et ne pourra sans doute pas « être prise en charge par les structures ».
« Si leurs collectivités de tutelle respectives – communautés de communes et communes
– font preuve d’écoute et de soutien, la survie des offices est, pour l’heure, compromise », prévient-il. Et de lancer, comme un SOS : « Que feront les institutions régionales, la Collectivité de Corse et notamment l’Agence du tourisme de la Corse, en complément des mesures gouvernementales ? »
– font preuve d’écoute et de soutien, la survie des offices est, pour l’heure, compromise », prévient-il. Et de lancer, comme un SOS : « Que feront les institutions régionales, la Collectivité de Corse et notamment l’Agence du tourisme de la Corse, en complément des mesures gouvernementales ? »
Miser sur les transports et les circuits courts
À la suite des mesures de confinement, les offices de tourisme – qui représentent 139 salariés permanents et plus de 100 emplois saisonniers – ont opté pour un chômage partiel de leurs employés.
Plus de la moitié est à ce jour en activité partielle à cause de la pandémie.
Depuis le début de la crise, les OT ont gardé le lien avec les socioprofessionnels par le biais d’audio et visioconférences, et par la mise en place d’une cellule d’écoute pour « recueillir les besoins des acteurs économiques ». Et ce, afin « d’anticiper le tourisme de demain » en envisageant, par exemple, de renforcer les centrales de réservation déjà en place, aux côtés des socioprofessionnels.
« Tous sont présents sur chacun des territoires, appuie Tony Ceccaldi. La Fédération régionale des offices de tourisme a joué plus que jamais son rôle fédérateur, en centralisant notamment les données pour les soumettre ensuite aux instances institutionnelles insulaires. »
Après avoir interrogé leurs partenaires, les OT ont imaginé un plan d’actions s’appuyant sur « un axe majeur et incontournable pour la Corse » : les transports.
« Travaillons ensemble, pour pouvoir élaborer un projet à grande échelle, qui permettra de se battre à armes égales avec les régions du continent dont l’accessibilité est directe. C’est un gros chantier, certes, mais qui ne pourra être porté par les seules compagnies, elles-mêmes lourdement impactées par cette crise. »
Parmi les priorités ciblées, « privilégier les circuits courts du tourisme, le marché insulaire si micro soit-il, et le marché de proximité hexagonal, avec une campagne de communication uniquement axée sur le prix des transports. Sans doute sera-t-il primordial et urgent que le secteur du tourisme tout entier repense sa politique et ses actions, travaillant de pair avec l’ensemble des partenaires institutionnels, offices et socioprofessionnels, défend Tony Ceccaldi. Être forts, armés, prévoyants, prêts à se battre collectivement : telle sera l’attitude collective à adopter désormais pour affronter cette crise qui nous touche et qui malheureusement n’a pas dit son dernier mot. »
B. I.-L.