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Étaler la saison ? Les restaurateurs et hôteliers vont exprimer leurs divergences avec l’agence du tourisme de la Corse

@Corse Matin

Jeudi dernier, l’agence du tourisme de la Corse a annoncé son intention de mettre fin à la promotion de la destination Corse pour la très haute saison. Mais cette volonté de réguler et d’étaler la fréquentation se heurte aux stratégies de certaines catégories socioprofessionnelles. Les membres de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) se réunissent cet après-midi, à Folelli, pour exprimer leur colère.

Que voit-on lorsqu’on tape “Corse” et “images” dans un moteur de recherche sur internet ? Des plages, des plages et encore des plages, désertes la plupart du temps car les clichés ont été pris au cœur de l’hiver. Juste après les plages, apparaissent des montagnes somptueuses (toujours aussi désertes), des torrents bouillonnants dans un écrin de verdure. Et enfin des vues (de loin) des citadelles de Bonifacio, de Calvi ou de Corte ou de la place des Palmiers et de barques de pêche à Ajaccio.

Des images qui rappellent la vieille campagne de l’ATC sur “la plus proche des îles lointaines”.

Le point commun de l’ensemble de ces clichés ? Il n’y a pas un seul être humain – et très peu d’activité humaine non plus – à l’horizon.

Le résultat, c’est un afflux massif de monde sur une très courte période, au cœur de l’été. Des millions de touristes attirés par le sable fin et les températures caniculaires et par les paysages somptueux de montagne d’où on peut continuer de voir la Méditerranée.

Cette pression saisonnière, l’île, à l’instar des autres destinations méditerranéennes, ne peut plus la supporter.

Depuis un an (post-Covid oblige) il semble que l’on ait véritablement pris conscience que ces lieux sont fragiles. La saison dernière, une politique de régulation des flux a commencé à se mettre en place sur les sites les plus sensibles.

Lors de sa conférence de presse, jeudi, l’ATC, par la voix de sa présidente, Angèle Bastiani, a confirmé cette politique. Elle a également annoncé que l’on ne ferait plus la promotion de la destination en juillet et en août. Elle a, enfin, redit – pour la énième fois – que ces mesures s’accompagneraient de la recherche d’une clientèle touristique alternative à la clientèle française.

Inertie du modèle économique

Si les professionnels de la pleine nature sont plutôt soulagésde voir qu’on va tenter de ne pas tuer la poule aux œufs d’or, il n’en est pas de même pour les hôteliers qui tirent principalement leurs revenus de la haute saison.

Jean-Marc Ettori (Corsicatours) rappelait il y a 48 heures que le taux de réservation est globalement en baisse, y compris pour le mois de juillet et que “ce n’est pas le moment de ne pas promouvoir la Corse”. Une baisse que l’hôtelier associe à la hausse du prix du transport, mais aussi à la baisse générale du pouvoir d’achat en période d’inflation.

Cette position est partagée par l’Umih (Union des métiers de l’industrie hôtelière) qui se réunit aujourd’hui à 14 heures, à Folelli, pour délivrer un message de contestation.

Alain Venturi, président de la fédération corse de l’hôtellerie de plein air va encore plus loin.

“Nous sommes en désaccord avec un certain nombre de points énoncés. Déjà, l’idée de déplacer la fréquentation du mois d’août vers les ailes de la saison est discutable. Les gens partent en vacances quand ils ont envie de partir. Vous n’allez pas leur dire quand ils doivent partir. Et puis en termes de chiffre d’affaires, une nuitée en avril ne vaudra jamais une nuitée en juillet ou en août. Donc pour conserver un équilibre financier, il faudrait multiplier par trois ou par quatre le nombre de nuitées.

Ensuite, sur l’idée d’aller chercher la clientèle italienne, nous n’avons rien contre. Mais la rechercher pour remplir le hors saison n’est pas pertinent : aujourd’hui, la clientèle italienne consomme de la même manière que la clientèle française. Par ailleurs, notre capacité est aujourd’hui de 175 000 lits. Elle a peu varié ces 10 dernières années. Si surfréquentation il y a, il faut s’attarder sur ses causes réelles, à savoir le tourisme chez les particuliers”, s’insurge-t-il.

Clairement le modèle a changé, dans le monde entier. Mais ailleurs en Europe (principalement dans des régions sans soleil il faut le reconnaître), on a misé depuis longtemps sur les savoir-faire, la gastronomie, la chaleur humaine, la culture, l’Histoire… Et les touristes viennent toute l’année, friands de cette dimension humaine.

Pour la Corse, ce serait une révolution copernicienne. Qui permettrait – qui sait ? – d’éviter la surcharge estivale, suivie du désert et des villes fantômes entre le 1er novembre et le début d’avril.

Plus de promotion du GR20, le PNRC y voit le moyen de faire face à la surfréquentation. - Angèle Ricciardi

Le Parc naturel régional ne “vend” déjà plus le GR 20

Opérateur de la randonnée, en particulier sur le mythique GR20, le Parc naturel régional de Corse prend acte des nouvelles orientations de l’ATC en affirmant, pour sa part, être déjà dans “l’après”. “Nous ne parlons plus du GR 20, assure Jacques Costa, président du syndicat mixte. Nous étions présents récemment sur deux salons, à Paris et en Belgique, pour promouvoir essentiellement les sentiers Mare à mare et Mare è monti.”

Véritable emblème de la destination corse au cœur d’une offre randonnée de plus en plus attractive, le GR 20 est sans doute le produit qui a le moins besoin d’une campagne de promotion publique. Les quelque 150 000 nuitées par an dans les refuges en attestent. D’où l’orientation privilégiée il y a déjà trois années par le Parc.

 “Tous les ans, auprès des randonneurs potentiels, nous rajoutons une couche de contraintes sur le GR, ajoute Jacques Costa. Au niveau de l’obligation de réservation, des tarifs, de la surveillance. Cette année, nos agents vont être omniprésents sur le sentier. Ceci dit, nous ne sommes pas les seuls à faire la promotion du GR. Les tour-opérateurs continuent à le vendre.”

Le Parc voit dans sa stratégie le moyen de contenir une surfréquentation, sans pour autant en attendre les effets dans l’immédiat. En considérant toujours le sentier emblématique comme le produit d’appel, l’idée est, en outre, d’élargir la promotion à l’ensemble du réseau randonnée de l’île pour mieux répartir le flux de visiteurs.

“Peu d’effets sur la surfréquentation”

Maître de conférences en géographie à l’Université de Corse, spécialiste du développement territorial, Caroline Tafani donne l’avis scientifique sur les nouvelles orientations de l’agence du tourisme de la Corse.

Les récentes décisions de l’ATC vous semblent-elles opportunes ?

Elles auraient sans doute dû être prises beaucoup plus tôt. Les slogans qui, depuis longtemps, ne font que promouvoir les trésors de la nature ne sont pas ceux qui vont amener les visiteurs à s’intéresser à la culture et aux patrimoines locaux. De plus, à l’heure des réseaux sociaux, investir autant sur ce support de promotion n’est pas forcément utile, surtout pour la haute saison.

Cette promotion est, en fait, auto-entretenue par les particuliers sur les réseaux sociaux, et c’est gratuit.

Sur quoi, justement, doit être axée cette promotion désormais ?

Elle doit cibler la découverte de la Corse autrement, en dehors des hauts lieux et des spots touristiques, pour valoriser justement ces contenus patrimoniaux et culturels.

Le problème de la surfréquentation peut-il ainsi être atténué ?

La promotion entretenue sur les réseaux sociaux est une telle machine infernale que ces dernières mesures n’auront, à mon avis, que peu d’effets sur le phénomène de surfréquentation. L’objectif des gestionnaires, en matière de régulation des flux touristiques, c’est toujours de couper la tête de la “courbe de Gauss”, la courbe en cloche qui révèle le pic, pour éviter la surfréquentation estivale. En même temps, l’objectif est toujours de redistribuer ce surplus sur les ailes de la saison. Or, on se rend compte, malgré tout, qu’on a toujours plus de monde l’été, et plus de monde aussi pendant l’avant et l’après-saison. En clair, la fréquentation augmente tout au long de l’année.

Ces mesures ont-elles alors un réel intérêt ?

Oui, car elles vont valoriser le tourisme corse à d’autres périodes et sur d’autres contenus, créer de la richesse là où il n’y en avait pas forcément. De toute façon, ce qu’il faut s’efforcer de réduire, c’est la fréquentation de certains sites qui se trouvent aujourd’hui totalement hors de la capacité de charge et de régénération. La solution peut-être, dans ces cas de figure, la mise en œuvre de quotas comme cela se fait sur le parc national des Calanques de Marseille, la mise en œuvre d’une promotion alternative qui va permettre d’attirer le regard, ou encore la mise en place de navettes qui peut représenter un quota détourné. Enfin, il faut aussi se doter d’une base d’observation beaucoup plus rigoureuse et fiable des flux sur le territoire. En matière de comptage, on est encore assez loin du compte.

Par: Isabelle Luccioni

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