A l’heure des grands défis écologiques, certains acteurs du tourisme s’interrogent sur leur impact sur le territoire. C’est le cas de Pas-de-Calais Tourisme qui organisait hier la deuxième édition de Voyage au Centre de la tech consacrée au biomimétisme. Comment continuer à développer son activité touristique tout en respectant le vivant, voire en s’en inspirant ?
Consacrer une journée entière au sujet du biomimétisme à travers des tables-rondes et ateliers, c’est le défi que s’est donné Pas-de-Calais Tourisme pour la deuxième édition de Voyage au Centre de la Tech. Un pas de côté qui s’inscrit dans les problématiques de tourisme durable et qui se déroulait naturellement dans le décor de Nausicaa, le plus grand aquarium d’Europe.
« Cette journée a pour vocation à penser le vivant comme une solution aux problématiques climatiques, à trouver des solutions dans le vivant afin de contribuer à la mutation de la filière touristique », a introduit Norbert Crozier, Directeur ALL – Pas-de-Calais Tourisme. Pour Emmanuel Delannoy, Directeur général de la Fresque de l’économie régénératrice, le biomimétisme permet d’innover par le vivant et pour le vivant. « Il y a une idée de réciprocité », a-t-il déclaré.
Pendant longtemps, le terme bio-inspiration a été un mot valise, rassemblant les démarches scientifiques, métaphoriques, artistiques. Mais il n’était pas ancré dans la réalité, selon Kalina Raskin, Directrice générale de Ceebios. Par exemple, l’art nouveau est bio-inspiré, mais il n’a pas nécessairement d’impact positif. Désormais, les acteurs passent d’un « aménagement du territoire » au « ménagement du territoire ».
La Vallée de la Drôme et sa Biovallée
Dans le secteur du tourisme, le biomimétisme n’a pas été adopté par tous les territoires. Tout dépend des stratégies touristiques de chacun et de leurs ressources naturelles. Tous les intervenants de la journée ont rappelé que le biomimétisme est interdisciplinaire. C’est pourquoi de nombreuses démarches touristiques s’inscrivent en réalité dans de plus grands projets de transition.
La Vallée de la Drôme est un territoire de projet Biovallée. Cela veut dire qu’elle œuvre pour la préservation et la valorisation des ressources naturelles. « Chez nous, la dynamique s’est créée autour d’un commun : la rivière Drôme. Tout a commencé avec l’arrivée de soixante-huitards porteurs d’une conscience environnementale », explique Olivier Massicot, Co-fondateur de Territory Lab. Depuis, c’est tout un écosystème qui s’est mis en place, avec des habitants, des associations, des entreprises et des collectivités qui œuvrent ensemble pour faire progresser ce territoire dans une démarche de transition écologique. Cette démarche est mise en avant dans la promotion touristique. Mais selon Olivier Massicot, il faut aller plus loin en repensant les cartes touristiques afin d’apporter une dimension plus pédagogique sur ces problématiques. « Le tourisme a le pouvoir de raconter des histoires, profitons-en pour insuffler de nouvelles idées »,a-t-il continué.
La Bretagne et son collectif Ti HUB
En Bretagne, le collectif Ti HUB fédère un réseau d’acteurs autour de l’itinérance et du GR34. L’objectif est de coordonner des projets innovants de développement touristique en utilisant l’ethno-inspiration et la low-tech. « Le biomimétisme est une philosophie. Nous en ressortons une méthodologie créative afin que la somme des activités touristiques soit régénératrice », a expliqué Anne le Gars, Designer de territoire en biomimétisme à la Région Bretagne.
Le Pas-de-Calais et son Biomim Tourisme Design
De son côté, l’initiateur de l’évènement a lancé le Biomim Tourisme Design afin d’accompagner tous les acteurs touristiques du territoire (professionnels du tourisme, hôteliers, restaurateurs, équipements touristiques, offices de tourisme, entreprises) qui souhaitent s’engager dans la démarche pour développer de nouveaux projets biomimétisme. L’objectif est de connecter ces acteurs et les expertises pour créer une cohésion de projet à l’échelle de son territoire. Pour Pas-de-Calais Tourisme, la préservation de la biodiversité et la reconstruction des écosystèmes est une priorité. C’est pourquoi l’Agence de Développement et de Réservation Touristique veut en faire un territoire bio-inspiré.
Un travail d’éducation reste à mener
Tous les intervenants de la journée étaient d’accord pour dire qu’il est nécessaire de retrouver une certaine connaissance de la nature pour mieux la respecter. « Nous avons perdu le chemin vers la nature. Nous avons préféré dessécher des marais et lancé des plans de démoustication », a mis en lumière François Charlet, Directeur du Parc Naturel Cap Marais d’Opale. Une éducation qui doit se faire dès l’école, auprès des jeunes générations.
Pour les professionnels du tourisme, il est important de se faire accompagner et d’échanger avec leurs confrères et consœurs. « Il faut que les acteurs du tourisme s’approprient les outils existants et partagent leur expérience dans une démarche d’entraide », a déclaré Anne le Gars. Parmi ces outils, l’agence Big Bang Project a lancé OK Gaia, une plateforme numérique qui se veut être le « Google du vivant ». Dotée d’intelligence artificielle, elle permet à l’utilisateur de poser sa problématique et d’accéder à un catalogue de deux millions d’espèces afin de lancer une démarche de biomimétisme. Privée dans un premier temps, la plateforme a vocation à s’ouvrir au grand public à terme. Selon Guillian Graves, Fondateur de Big Bang Project, de nouveaux types de métier devraient voir le jour dans les prochaines années, à la croisée du design, de la chimie et des mathématiques, afin de répondre à ces nouvelles problématiques.