En juin 2022, un arrêté préfectoral autorisait 11 communes du Cap Corse à encadrer le changement d’usage des locaux d’habitation, alors que la micro-région voyait dangereusement se multiplier les meublés de tourisme. Depuis, une double contrainte pèse sur les propriétaires souhaitant faire de la location saisonnière : obtenir une autorisation de changement d’usage de son bien auprès de la mairie, puis procéder à l’enregistrement de celui-ci. Un dispositif qui commence déjà à produire des effets sur l’offre de logements disponibles comme l’explique Anne-Laure Santucci, la mairesse de Luri, à CNI.
Anne-Laure Santucci (Photo Michel Luccioni)
– L’année dernière, Luri faisait partie des 11 communes du Cap Corse ayant obtenu un arrêté préfectoral autorisant l’encadrement des changements d’usage des locaux d’habitation. Comment cela a-t-il été mis en place dans votre commune ?
– Après cet arrêté, chaque commune a délibéré et a fait son propre règlement. Pour notre part, nous avons mis en place un règlement très strict car nous pensons qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Et puis lorsque l’on voit les dérapages dans le Sud de la Corse par exemple, on se dit qu’il n’y a pas de raison que les choses n’arrivent pas chez nous dans très peu de temps. Donc nous avons préféré être très stricts dans la délibération et nous avons autorisé chaque personne ou SCI à avoir seulement deux meublés de tourisme et pas plus. Après cette délibération, nous avons fait passer l’information à travers les outils de communication de la commune et de la communauté de communes et nous avons identifié les acteurs déjà déclarés qui payaient la taxe de séjour, qui ont demandé leur numéro d’inscription sur notre plateforme Declaloc. Nous avons par ailleurs continué à travailler et nous sommes en train de nous intéresser aux meublés de tourisme « clandestins ». Sur la commune nous avons des immeubles sur le littoral qui ont été faits dans les années 1990 où il y a énormément d’appartements de gens que nous ne connaissons pas et qui pour certains louent sur des plateformes comme AirBnb. Nous sommes en train de les traquer pour qu’ils respectent la réglementation communale. Certains sont des professionnels et nous leur avons écrit pour qu’ils se mettent en règle. Pour les autres, nous avons fait de la publicité dans les boîtes aux lettres et nous sommes en train d’essayer de les identifier, de les appeler et de leur demander de se mettre en règle en leur expliquant que sinon il y aura une possibilité de mettre des procès-verbaux dont les conséquences sont financièrement assez importantes.
– Quel effet cette mesure a-t-elle eu sur le nombre de meublés de tourisme sur la commune ? Et parallèlement sur l’offre de logement disponibles à l’année à Luri ?
– Les personnes que nous avons identifiées ont déclaré leurs meublés de tourisme, ce qui n’était pas fait auparavant. Donc cela fait une perte financière moindre pour l’office du tourisme du Cap Corse et pour la communauté des communes qui va pouvoir récupérer la taxe de séjour payée par les touristes. Face à la « peur du gendarme », certains propriétaires ont par ailleurs décidé de désormais louer à l’année. Cela fait des logements supplémentaires, ce qui est un plus car nous avons beaucoup de personnes qui cherchent, la commune étant assez attractive. Le bilan est donc positif.
– Pour renforcer l’offre de logements disponibles sur Luri, en début d’année, vous avez présenté un projet de logements communaux. Où en est-on ?
– Dans le cadre du dispositif d’aides de la Collectivité de Corse « Una Casa per tutti, una casa per ognunu », nous avons acheté une maison datant de 1896 dans laquelle nous sommes en train de faire quatre appartements. Les façades et une grande partie de l’intérieure sont finies et nous pensons mettre les appartements en location dans le courant de l’automne. Cela se rajoutera aux huit appartements communaux que Luri possède déjà, et aux 17 logements sociaux du bailleur Erilia. C’est une offre importante pour une petite commune comme la nôtre, mais au vu de son attractivité ce n’est pas de trop.
– Dans un autre registre, à l’aube de la saison estivale, le spectre de la sécheresse semble moins présent que l’année dernière. Pour l’heure, aucune restriction d’eau n’a de facto été prise par la préfecture pour le moment. Malgré tout, la commune se prépare-t-elle à cette éventualité ?
– C’est toujours un travail de très longue haleine. Quand nous avons accédé aux responsabilités il y a trois ans, nous avions sur le réseau d’eau à peu près 200m3 de fuites par jour, ce qui est assez important. Nous avons donc fait un très gros travail et nous avons aujourd’hui un peu moins de 50m3 par jour de fuites sur des parties du réseau qui sont un peu vétustes. Nous sommes très fiers d’avoir effectué ce travail important qui va nous permettre de nous sécuriser. Pour maitriser la ressource en eau, nous travaillons aussi sur deux autres aspects. D’une part nous prospectons pour trouver de nouvelles sources. Nous avons d’ailleurs trouvé une nouvelle source sur laquelle nous sommes en train de travailler, ce qui va augmenter notre capacité. Et puis, nous avons mis en place la tarification à la consommation et parallèlement nous avons fait un investissement important sur les compteurs individuels pour mettre en place la télé-relève. Désormais, chaque compteur émet sa consommation, ce qui nous permet de relever les 870 compteurs de la commune en une demi-journée par le biais de nos systèmes électroniques. Nous pouvons ainsi accompagner les usagers en traquant les fuites qu’ils peuvent avoir chez eux et les informer de celles-ci pour qu’ils entreprennent des réparations. Cela nous permet là aussi de protéger la ressource. Enfin, nous avons eu sur la commune énormément de pluies au mois de mai et juin. Donc nous sommes relativement confiants et abordons la saison estivale de façon beaucoup plus sécurisée que l’année dernière.