INTERVIEW : Le maintien de la saison doit rester notre objectif @CorseMatin

Jean-Christophe Angelini.- Le président de l’Adec est persuadé que l’économie corse ne peut se permettre un été sans tourisme. Il propose une série de mesures fortes pour soutenir durablement le tissu entrepreneurial insulaire
Le plan de déconfinement élaboré par le gouvernement est à l’œuvre depuis deux jours, comment le jugez-vous ?
Ce plan comporte des mesures qui sont parfois légitimes, parfois désordonnées mais son principal défaut, je crois, est de n’être pas adapté aux territoires et aux réalités telles que vécues au niveau local. Sans parler de déconfinement à la carte, il a été question un moment de plans tenant compte de la situation sanitaire, des capacités hospitalières et de l’économie de chaque territoire. Au final, on a un plan mécanique appliqué à l’aveugle. En Corse, sans parler d’économie ou de démographie, la spécificité institutionnelle liée à la disparition des départements n’est par exemple pas prise en compte.
Le gouvernement a dit son opposition au dispositif « green pass », par lequel l’Exécutif envisageait de limiter l’accès au territoire insulaire aux titulaires d’un test Covid négatif. Ce refus vous semble-t-il regrettable ?
Il n’a jamais été question d’instituer un « passeport sanitaire », comme on l’a entendu dire. Le « green pass » s’inscrivait dans un plan global prévoyant également une enquête de prévalence, une politique de dépistage massive, un dispositif d’isolement des personnes contaminées et des mesures de communication. Loin d’opposer la préservation de la santé à celle de l’économie, je crois qu’il faut opter pour une voie médiane. C’est justement ce point d’équilibre que recherche le Conseil exécutif. Le débat reste ouvert et de nouvelles propositions devraient intervenir à la fin du mois.
En tant que président de l’Adec (Agence de développement de la Corse), pensez-vous qu’il y aura cette année une saison touristique ?
J’y crois et je pense qu’on doit continuer à y croire. Il y a aujourd’hui des gens qui sont partisans de ce que j’appelle « la théorie de l’effondrement » : des gens qui veulent une saison blanche et présenter la note à l’État au mois d’octobre. J’y suis fermement opposé et je dis que le maintien de la saison doit rester notre objectif majeur.
Pourquoi ?
Le tourisme représente 30 % du PIB insulaire. Se priver de la saison touristique, c’est priver l’économie corse de 2 à 3 milliards d’euros. Aucun État ne peut indemniser un territoire à cette hauteur.
Cette situation ne donne-t-elle pas raison à ceux qui disent que la Corse est trop dépendante du tourisme ?
« Le moment est venu de parler d’un statut fiscal »
La Corse a un problème de modèle économique, c’est évident. Le Conseil exécutif, à travers la notion de « riacquistu ecunomicu » le dit depuis les premières heures de sa mandature. Je fais mien ce discours qui appelle à dépasser cette économie de la rente et à diversifier notre offre. Pour autant, je ne suis pas d’accord avec ceux qui, en coulisses ou ailleurs, militent pour cette théorie de l’effondrement. Ce n’est pas en affaiblissant notre économie ; en anéantissant le travail fait depuis des années pour développer et faire connaître notre industrie touristique que l’on permettra à la Corse à réaliser sa transition vers un autre modèle économique.
Que peut-on faire pour permettre à l’économie insulaire de rebondir ?
Dans le cadre d’une politique co-construite avec l’État, un certain nombre de mesures particulières doivent être prises. Il faut tout d’abord injecter des liquidités à un rythme soutenu et durable dans l’industrie touristique. Il a été question d’un fonds géré par la banque des territoires, nous attendons des précisions en la matière. Il faut ensuite plus de visibilité sur le crédit d’impôt à l’investissement en Corse, censé disparaître au 31 décembre. Le Conseil exécutif et l’Adec demandent aujourd’hui à ce qu’il soit prorogé de 5 ans, qu’il voie son taux passer de 30 à 40 % et que de nouvelles activités intègrent son périmètre. Il est nécessaire également que les entreprises corses bénéficient d’exonérations de charges sur un semestre voire un an dans le domaine touristique. Enfin, je crois qu’il faut un moratoire sur l’impôt sur les sociétés et sur la TVA.
Vous parlez d’un politique de coconstruction. Pensez-vous que, du côté de l’État, on soit prêt à consentir à de telles mesures ?
À ce stade, j’ai l’impression que les choses ne sont pas fermées et que la spécificité du cas corse en matière économique est globalement admise tant au niveau démographique qu’à propos de la fragilité d’un tissu entrepreneurial presque intégralement composé de TPE. Nous attendons que ce constat partagé débouche sur des actes concrets.
Crédit d’impôt, TVA, impôt sur les sociétés, exonération de charges… Cela revient presque à remettre sur la table la question du statut fiscal…
Oui. Je crois que le moment est venu d’en parler et d’en parler de manière forte et détaillée.
La fiscalité en Corse a longtemps été vue de manière défensive, je pense par exemple à la question des droits de succession. Aujourd’hui, il faut une vision plus offensive. Dans une économie de rente qui importe plus de 80 % de ce qui est consommé, comment la fiscalité peut-elle devenir un instrument de développement ? Voilà la question qu’il faut poser. Nous avons ouvert un certain nombre de pistes de réflexion sur l’inadaptation des charges, sur la TVA, sur la capacité de la CdC à émettre des titres à taux préférentiel… Je crois qu’il y a aujourd’hui des possibilités de discussion avec l’État, notamment parce que cette crise a révélé l’extrême fragilité de notre économie.
« Je suis contre la théorie de l’effondrement »
Cette crise sanitaire fait aussi peser beaucoup d’incertitudes sur les transports, en particulier en matière aérienne. Cela vous inquiète-t-il ?
Bien sûr car toute politique économique s’articule sur une politique des transports. En ce qui concerne l’aérien, j’ai deux inquiétudes que je partage avec l’Office des transports. Au moment où Air Corsica et Air France travaillent à faire basculer la desserte publique sur Roissy voilà qu’on nous parle de rouvrir bientôt Orly.
Cela crée une inconnue de plus et un trouble chez les usagers. Nous avons besoin de réponses. Mon autre inquiétude concerne les low cost qui représentent aujourd’hui 50 % du trafic aérien en Corse. On sait que le modèle low cost est remis en cause par la crise et on sait que les compagnies desservant l’île devront recevoir des compensations financières. L’Office des transports et la chambre de commerce y travaillent. Les règles doivent être connues : quelles compensations ? Pour quelles prévisions ? C’est important car l’offre low cost ne peut être regardée comme une simple variable d’ajustement.
TEXTES PIERRE NEGRELPHOTO PIERRE-ANTOINE FOURNIL

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