La pénurie de voitures à louer gâche les vacances @CorseMatin

Des dizaines de touristes se sont retrouvées à pied dans l’île malgré des réservations effectuées en avance. La faute à un stock insuffisant de véhicules. De quoi provoquer des annulations de séjours et une hausse des prix qui déclenche la colère des clients…

Daniel est venu en couple pour visiter la Corse depuis Paris. En lieu et place d’une Fiat 500, les Parisiens ont hérité d’un utilitaire.

Des milliers de voitures en rade et autant de voyageurs en colère. La situation des loueurs de véhicules insulaires est critique. À tel point que des dizaines de personnes se sont vues refuser leur location malgré une réservation en bonne et due forme. De quoi passer du rêve au cauchemar pour nombre de touristes. En cause ?

Plusieurs comptoirs de location de voitures sont fermés à l’aéroport de Bastia.

L’absence de stock de véhicules suffisant pour faire face à la demande. Si les raisons de ce chaos sont multiples, les conséquences sont bien réelles. De quoi gâcher les vacances dans une île où ce moyen de locomotion demeure indispensable pour se déplacer.

Face à cette pénurie, certains n’ont pas hésité à annuler leur séjour pour se rabattre vers des destinations moins lointaines : « Tous les jours, j’ai entre 20 et 30 personnes qui me disent qu’ils n’ont pas pu louer de voiture et qu’ils risquent d’annuler leurs vacances, témoigne Alexandra Costeplane, administratrice de la page Facebook La Corse, les bons plans qui regroupe 12 000 personnes et présidente de l’association Évasion Corsica. La Corse sans voiture, c’est un peu compliqué. Il y a beaucoup de Belges, de Hollandais. On veut refaire partir le tourisme, mais d’un autre côté on bloque. » Face à cette problématique ajoutée au Covid-19, les annulations pleuvent dans les hébergements touristiques : « Nous avons 66 % d’annulations de réservations sur notre site de mise en relation entre clients et propriétaires de locations touristiques. Sans voitures, il n’y a pas de clients. Quand vous arrivez à Figari, c’est compliqué de rejoindre Porto-Vecchio. » Pour le groupe Filippi qui gère la société de location de voitures Hertz à l’aéroport de Bastia-Poretta, la problématique est la même pour tout le monde : « Les commandes de véhicules sont faites bien en amont dans l’année. Sauf qu’entre-temps, il y a eu le Covid. À ce moment-là, les voitures ont été fabriquées. Nous les avons commandées en conséquence. Sauf que les stocks qui devaient arriver ont été expédiés à d’autres personnes. Ce n’est pas de notre faute. Il y a eu de la temporisation chez tous les acteurs économiques. On ne savait pas combien de temps allait durer le confinement. C’était difficile d’anticiper à moins d’avoir des informations secrètes que personne ne pouvait avoir. »

« Quelque chose d’imprévisible »

Pour la société Filippi, la faille est à chercher du côté du circuit logistique et non pas d’un défaut d’anticipation : « Les délais de livraison ont été beaucoup plus importants. Nous attendons encore énormément de voitures. Mais nous sommes dans quelque chose d’imprévisible. Du jour au lendemain, on nous a dit que les voitures étaient bloquées de l’autre côté de la mer… » Une analyse que ne partage pas Jean Dominici, président de la chambre de commerce et d’industrie régionale qui s’exprime sous la casquette de patron d’Europcar dans l’île : « De mon côté, je n’ai eu aucun problème, j’ai servi tous mes clients. Il faut simplement savoir gérer et ne pas faire du surbooking. Il faut savoir ce qu’on fait. Nous n’avons refusé aucun véhicule. Aucun client n’est resté à pied. »

Véronique et sa fille ont eu une mauvaise surprise
en arrivant de Bretagne, à l’aéroport de Bastia.

« On nous a fait du chantage »

Si le constat est vrai, les clients ont tout de même connu d’autres problèmes en lien avec une hausse des prix soudaine de la location. De quoi mettre en lumière les limites de l’offre et la demande : « Nous avions réservé un véhicule spécifique plusieurs semaines avant notre arrivée, avance Véronique qui s’apprête à prendre l’avion vers la Bretagne avec sa fille. Mais au moment de récupérer la voiture, elle n’était plus disponible. On nous demandait de payer 250 euros de supplément pour l’avoir. »Au bout d’une heure de discussions, les deux femmes ont pu repartir avec leur véhicule sans frais supplémentaires : « On nous a fait du chantage. » D’autres ont eu moins de chance. Comme ce couple qui a dû emprunter un taxi jusqu’à Saint-Florent, faute de véhicule, malgré une réservation effectuée. Sur le parking d’un loueur de voitures, un couple de parisien peste, à peine arrivé. Le véhicule récupéré ne correspond pas à la réservation : « Quand vous réservez une Fiat 500 pour visiter la Corse en couple et que vous vous retrouvez avec un utilitaire, il y a de quoi être mécontent », déplore Daniel.

« On nous traite d’escrocs »

Ailleurs dans l’île, les mêmes histoires se recoupent : « Des touristes ont dû opter en catastrophe pour un SUV à 1 400 euros la semaine. C’est indécent », s’insurge Alexandra Costeplane. Ces problèmes, Jean Dominici, les reconnaît : « Les gens qui n’ont pas eu leur véhicule ailleurs viennent chez nous. On leur donne un prix pour une semaine, c’est entre 500 et 700 euros. Et on nous traite d’escrocs. Ces gens-là ont payé 80 euros pour un véhicule. Moins cher qu’un vélo. Il faut qu’ils se retournent contre les sociétés qui ont refusé de leur donner leur réservation pour la garder pour des clients qui payent 500 à 600 euros… En revanche, je me voyais mal refuser un couple qui arrivait à 23 heures, parce qu’il avait réservé pour 100 euros depuis décembre. »

Du côté de chez Filippi, on indique que seules les réservations faites via les plateformes ont dû être annulées : « Nous n’avons jamais annulé les réservations passées en direct. » Si les loueurs de voitures assurent que des stocks importants de véhicules devraient arriver dans les prochaines semaines pour faire face à la demande, la situation est loin du retour à la normale. En attendant, un marché parallèle se met en place sur internet, souvent dans l’illégalité.

Plusieurs annonces de particuliers fleurissent pour prêter leur voiture en échange d’une rémunération. Preuve que la crise ne touche pas tout le monde de la même façon… In fine, le tourisme apparaît encore comme le grand perdant de ce contexte négatif : « Cela donne une mauvaise image de la Corse, constate Alexandra Costeplane. Il faut que la situation se règle rapidement. Ça fait beaucoup, après le Covid… »

ANTOINE GIANNINI

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