En Corse du sud, dans la réserve naturelle des bouches de Bonifacio, les îles Lavezzi appartiennent à la commune. Office de tourisme de Bonifacio / Photo presse

«En Corse, il y a une attaque en règle du tourisme de la part de ceux qui n’en veulent pas mais qui ne proposent aucune alternative»

@lefigaro.fr

Dans un entretien exclusif au Figaro, Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio, réaffirme sa volonté de mettre en place des «contingentements touristiques» sur les îles Lavezzi et ses conditions avant de signer l’arrêté.

À la suite de notre article « Tourisme en Corse : vers des quotas inéditspour les vacanciers cet été ?», le service «Aires Protégées de la Mer des îles et du Littoral» nous a appelés pour dissiper tout malentendu quant au cadre juridique permettant la réalité effective de cette nouvelle contrainte. Si l’Office de l’environnement Corse a bien dressé la feuille de route pour les îles Lavezzi, il appartient en effet au maire de Bonifacio, dont l’archipel est la propriété privée de la commune, de prendre un arrêté. Alors, qu’attend-il ? Un et demi après la décision prise par l’Assemblée de Corse et qu’il a lui-même soutenue, qu’est-ce qui freine Jean-Charles Orsucci, ce Rocardien passé à la Macronie, de signer l’acte essentiel à sa mise en œuvre ? 
Nous lui avons posé directement la question…

LE FIGARO.- Êtes-vous favorable à la mise en place de jauges touristiques sur les îles Lavezzi ?

Jean-Charles ORSUCCI .– Je voudrais rappeler que c’est une initiative de l’Assemblée de Corse, qui a délibéré sur le sujet en juillet 2022. Depuis le début, je défends l’idée d’un contingentement touristique sur l’archipel, qui est une propriété privée de la commune de Bonifacio. Pour moi, l’écologie est la garantie du tourisme durable dont la Corse a besoin. Il est temps que nous en définissions collectivement les conditions. À l’heure où le tourisme représente directement près de 40% de la part du PIB insulaire, et près de 80% de l’économie corse si on regarde les résultats des autres activités indirectes en période estivale, cette prise de conscience est fondamentale. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut anticiper, même si jusqu’à aujourd’hui aucune étude scientifique n’a démontré que la fréquentation actuelle portait atteinte aux îles Lavezzi.

À Bonifacio, nous sommes passés d’un million de touristes en 2008 à 2 millions aujourd’hui. La commune compte 3.300 habitants en janvier et 15.000 personnes y sont présentes le 15 août. J’ai la chance d’avoir le budget d’une ville de 15.000 habitants. En effet cette année, nous allons investir 26 millions d’euros dans la construction ou la réfection d’équipements publics dont les Bonifaciens seront les premiers bénéficiaires. Et ce, grâce notamment aux recettes générées par un tourisme organisé, à travers les parkings municipaux et mon port de plaisance qui est un joyau de Méditerranée. L’honnêteté m’oblige à dire qu’à ces gestions vertueuses il faut ajouter les taxes, issues des 1.200 maisons secondaires présentes sur la Commune. Dans cet équilibre visant à concilier développement et préservation, j’ai fait mettre des coffres d’amarrage dédiés aux navires de 24 mètres, un mouillage écoconçu pour protéger l’herbier de posidonie. J’ai eu une levée de boucliers de la part d’associations. Vous savez pourquoi ? Parce que certains s’érigent en scientifiques et prétendent parfois à tort protéger l’environnement pour en réalité s’engager dans une lutte des classes visant à affirmer une seule chose : les bateaux de riches, y compris s’ils n’apportent aucune nuisance, on n’en veut pas.

En France et plus particulièrement en Corse, nous sommes champions du monde de la duplicité sur ces sujets : c’est haro sur le tourisme quand vous êtes propriétaire vous-même d’une paillote. Mais pour redistribuer les richesses, d’abord il faut les créer. Le tourisme, c’est une chance pour la Corse, s’il est organisé. Dans cette politique des quotas « maritimes » destinés aux navires de plus de 24 mètres, il n’y a qu’un seul impacté, c’est l’usager qui jusqu’ici ne payait aucune taxe pour ancrer sans aucun contrôle et sans se soucier de l’écosystème marin. Dorénavant, un nombre limité d’entre eux devra s’amarrer à un coffre posé dans du sable tout en payant une taxe. Et c’est une très bonne chose que nous ayons corrigé cela avec le soutien de l’État et de l’Office de l’Environnement de la Corse.

La Corse a toujours été considérée comme une destination chère. N’est-ce pas contradictoire avec un tourisme de masse contre lequel les quotas doivent lutter ?

Il ne peut pas y avoir en Corse de tourisme de masse. Au début des années 1980 (en 1982 ou 1984), j’entendais sur RTL que le prix du billet d’avion était le plus cher du monde ! Nous sommes en 2023, et le Paris /Figari oscille entre 300 et 1000 € toute l’année. Ce dont a 
souffert la Corse, c’est d’un manque d’infrastructures. On a eu un tourisme subi et non géré. Autour du 15 août, il y a de la surfréquentation sur certains sites à Bonifacio. Je fais partie de 
ceux qui disent qu’en cette période, à Bonifacio, on n’a pas besoin de touristes en plus. Mais ce qui me pose problème, c’est le 15 mars, quand le prix de l’avion est deux fois plus cher qu’un Paris – Nice. En Corse, il y a une attaque en règle du tourisme de la part de ceux qui n’en veulent pas mais qui ne proposent aucune alternative. Or, connaissez-vous une société basée sur le tourisme qui fait le choix d’y renoncer ? C’est 80% de notre économie.

Il ne peut pas y avoir en Corse de tourisme de masse.Jean-Charles Orsucci

Le «démarketing territorial» est-il applicable à la Corse ? Angèle Bastiani, la présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse (ATC), qui l’a annoncé sur France 3, a été conspuée par les professionnels locaux.

Que l’ATC ne communique plus sur les îles Lavezzi n’empêchera pas les réseaux sociaux de le faire.

Vous doutez de l’efficacité de l’absence de promotion touristique l’été. Mais vous défendez la politique des quotas. Alors, pourquoi ne prenez-vous pas le fameux arrêté de mise en application ?

J’ai fait valoir des objectifs. Je suis pour ce « contingentement » – que je préfère au mot « quotas »- sous réserve de respecter plusieurs conditions que j’ai réaffirmé plusieurs fois au Président de l’Exécutif de Corse (CDC) et au Président de l’Office de l’Environnement (OEC) qui partagent mes objectifs : l’accès gratuit aux Corses, un accès privilégier pour les plaisanciers bonifaciens et surtout que les entreprises locales de Bonifacio obtiennent la garantie de pouvoir survivre, de ne pas être exclues. Nos amis Sardes ne peuvent pas mettre en place chez eux des politiques restrictives pour ensuite se retrouver sur nos îles ! Les bateliers sont prêts à faire des efforts. Mais c’est un travail en commun, avec le préfet, la commune, la collectivité de Corse, le président de l’Office de l’environnement. L’État exerce un contrôle de légalité. J’appelle depuis près d’un an cette concertation. Je demeure disponible et volontaire pour accompagner la démarche de la Région mais tant que je n’aurai pas la garantie d’une préférence territoriale, je ne prendrai pas l’arrêté. Le président Gilles Simeoni m’a promis de venir en mai. C’est le point de départ de toute mise en place opérationnelle de ce contingentement qui, je le rappelle, n’est pas une initiative de la Commune. La balle demeure toujours dans le camp de la CDC et de l’OEC. À travers cette concertation que j’attends toujours de la part des porteurs de cette démarche, j’y vois la garantie d’une expérience touristique positive. Mais je regrette que l’Office de l’environnement ne mette pas en place des packages. C’est dans l’alternative plutôt que l’écologie punitive que la mesure sera acceptée.

La crainte d’une saison touristique au ralenti plane sur l’île. Comment l’expliquez-vous ?

J’ai entendu certains professionnels dire que le mois de juillet ne sera pas très bon. Et c’est bien la première fois que l’on m’interpelle autant sur le prix des transports exorbitants, y compris sur les ailes de la saison estivale !

>À lire aussi – Vacances d’été : en Corse, des prix délirants et des réservations en berne

Un collectif d’acteurs de l’hébergement touristique professionnel a réagi aux annonces d’Angèle Bastiani sur l’arrêt de la promotion estivale des sites les plus fréquentés, en affirmant que le problème venait des meublés de tourisme, d’Airbnb. Quelle est votre analyse ?

Le monde de l’hôtellerie se plaint à juste titre d’une concurrence déloyale. Et à la fois, le maire que je suis vous dit que c’est une recette potentielle supplémentaire mais qu’il faut encadrer. On a un maître-mot dans mon équipe plurielle : équilibre. Et pour cela, il y a des outils structurants, qui doivent relever de la puissance publique : les parkings, les sites remarquables et les ports. C’est pourquoi je veux récupérer l’exploitation de la gestion du port de Cavallo dont la commune Bonifacio est propriétaire, et dont la convention de gestion signée en 1993 avec une société privée arrive à expiration en 2026.

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